Marie-Madeleine la Bien-Aimée
Livre 2 de la trilogie des Trois Marie
Ava Torrent
L’histoire nous raconte comment Marie-Madeleine, la Migdalah, devient la Compagne de Jésus et comment cette rencontre l’encouragera à s’ouvrir à une nouvelle dimension de sa féminité, insoupçonnée et transcendante.
Dans l’immensité du silence qu’elle avait laissé croître en elle, la graine de son essence explosa et libéra une potentialité restée jusque-là enfermée dans la forteresse de ses désirs et passions. Quelque chose se mit à couler à l’intérieur de son espace creux. Le bambou se transforma en flûte et son Être se mit à en jouer sublimement. Elle venait de se rappeler à elle-même.
Extraits
Elle savait qu’elle avait rendez-vous.
Elle cherchait une lueur, un signe, un sourire, un visage. Elle savait qu’elle avait rendez-vous. Elle en était certaine. Elle savait qu’un jour elle rencontrerait sa destinée, elle comprendrait, elle s’engagerait, elle pourrait alors s’offrir tout entière. Mais en attendant, elle se plaisait à faire don du meilleur d’elle-même, sa bonne humeur, son sourire, sa fraîcheur. Elle voulait que les visages autour d’elle se dérident et s’illuminent, il fallait si peu pour qu’un petit rayon de soleil s’infiltre dans les coeurs même les plus endurcis.
Elles célébraient leurs premières lunes rouges.
Elle balaya la yourte d’un regard avisé. D’immenses tentures de damas rouge-grenat étaient suspendues sur les parois, le sol était jonché de tapis de laine persans rouge vif élégamment nuancés d’arabesques aux tons ocre et brun foncé. Quelques peaux de mouton et des coussins multicolores étaient jetés sur le sol tout autour de l’autel central. Des bougies et quelques lanternes étaient allumées ici et là, éclairant la tente d’une lumière chaude et vacillante. Un délicieux parfum ambré embaumait l’air. Raabi’a leva la tête et suivit du regard quelques volutes de fumée bleuâtre qui s’élevaient en spirale du brasier pour s’échapper par l’orifice situé dans la partie supérieure de la tente. Puis son attention se posa sur trois jeunes filles assises en tailleur sur des bassines de cuivre. Elles babillaient gaiement à voix basse, se donnant de petits coups de coude d’un air complice, les yeux pétillants de malice. Leurs mains étaient teintes en ocre rouge et finement tatouées. Sur leur front, une petite lune rouge orangé indiquait qu’elles célébraient leurs premières lunes rouges.
Tous les regards se tournèrent vers eux.
Lorsque Jésus et la femme en bleu descendirent tranquillement le petit sentier pierreux qui serpentait jusqu’au rivage, tous les regards se tournèrent vers eux. L’assurance sereine et le charisme naturel qu’ils dégageaient ne laissaient pas indifférent. On se relevait en silence. On se questionnait du regard. On s’écartait pour leur céder le passage. On n’osait pas les regarder dans les yeux, alors on baissait la tête. Pourtant, les nouveaux venus étaient modestement vêtus, comme de simples Israélites, mais quelque chose dans leur allure exhalait un parfum d’une exceptionnelle noblesse.
Le Fils de l’homme ! C’est qui ?
Jean se tourna vers son frère, assis à sa gauche. Il soupirait et haussait les épaules en signe d’incompréhension. Jacques se pencha vers Jean et lui murmura dans le creux de l’oreille :
– Le Fils de l’homme ! C’est qui ?
Jean lui adressa une piteuse grimace. Au même instant, comme s’il les avait entendus, Jésus se retourna vers eux et leur sourit. Ce petit contact suffit à dissiper leur malaise, la présence de Jésus était un baume pour les coeurs, un hymne à la vie, une réelle force de guérison.
Nathanaël s’approcha de Jésus et lui prit les deux mains :
– Rabbi, mon maître, je suis si heureux de t’avoir enfin trouvé. Mon âme est comblée. Je t’en prie, viens donc te joindre à nous pour le mariage de ma fille, Susannah. Il aura lieu dans huit jours, à Cana. Nous feras-tu cet honneur ?
Libre de laisser rayonner la force qui se consumait en elle
À leur deuxième rencontre, chez la belle-mère de Simon, le jour où elle avait débarqué avec son flacon d’albâtre sous le bras, les paroles que Jésus avait prononcées l’avaient à nouveau libérée. Mais avec plus de douceur cette fois. Il avait affirmé devant tout le monde : « Ses péchés lui sont pardonnés, car elle a montré beaucoup d’amour ».
Ziva pourrait enfin aimer, en toute liberté, se mettre au service de l’amour, honorer ce flux divin qui s’écoulait en elle et que l’on voulait à tout prix interdire, supprimer, maudire. Jésus l’avait clairement affirmé : « Pécher ce n’est pas désobéir aux Lois, pécher c’était manquer d’amour. » La voilà enfin libre. Libre d’être elle-même, libre de vivre sa vie, sa passion, son amour, libre de laisser rayonner la force qui se consumait en elle. Jésus avait entrouvert la porte de la cage, le petit oiseau pouvait s’envoler et savourer sa toute nouvelle liberté.
Son âme hurlait déjà un grand « oui »
Ziva se mit à pleurer en silence. Elle revint s’asseoir à côté de Jésus et le regarda avec une intense passion mêlée d’appréhension. Ses yeux émeraude brûlaient du feu de l’amour et disaient avec ferveur qu’elle n’était pas tout à fait certaine de comprendre la portée de son engagement, mais que cela lui était bien égal, car son âme hurlait déjà un grand « oui » à lui fendre la tête, et le coeur, et les boyaux, et les cuisses, et même ses belles chevilles tatouées. Son amour ardent la consumait à petit feu, bientôt elle ne serait plus qu’une petite poignée de cendres dispersées à tout vent. Jésus passa un bras réconfortant autour de ses épaules. De sa main libre, il sécha les quelques larmes qui roulaient sur ses joues empourprées.
Elles avançaient avec la grâce et l’élégance naturelle des femmes mûres
Deux jours plus tard, Jésus et la Migdalah marchaient en tête, main dans la main. Perdu dans ses pensées, Lazare les suivait de près, seul et silencieux. Il avait annoncé qu’il reprendrait la route dans l’après-midi.
Il retournerait en Judée auprès de Nicodème, son maître. Derrière lui, Israa et Thaddée devisaient gaiement. Leurs éclats de rire fusaient dans l’air et animaient la petite colonne de disciples qui s’approchait du lac de Tibériade. Maryam et Jacobée se tenaient par le bras, elles avançaient avec la grâce et l’élégance naturelle des femmes mûres, des gardiennes de la Terre, de celles qui avaient vu le monde, ses beautés et ses promesses, mais aussi ses mensonges et ses souffrances. Elles en étaient ressorties victorieuses, grandies et rassérénées. Cela se voyait rien qu’à leur démarche.
Empruntez la voie de l’intelligence aimante et intuitive des mères de vos mères.
Mais je vous en parle à longueur de journée ! Écoutez. Écoutez avec votre coeur. Cessez d’analyser avec votre cerveau. Vous voulez tout contrôler, tout organiser, tout aligner, tout maîtriser, tout assurer, pour vous protéger du moindre imprévu. Je vous l’ai déjà dit à maintes reprises et je vous le répéterai jusqu’à ce que vos oreilles l’entendent, jusqu’à ce que votre cerveau le comprenne, jusqu’à ce que votre coeur le reconnaisse, jusqu’à ce que votre âme s’en souvienne. Mes amis, sortez des sentiers tracés par les pères de vos pères. Empruntez la voie de l’intelligence aimante et intuitive des mères de vos mères. Voilà la voie que vous devez suivre. Et si vous deviez chuter, ce n’est pas grave, relevez-vous et continuez votre chemin.
Le corps est un temple sacré
Jésus leur enseigna que le corps est un temple sacré qui doit être honoré et vénéré à sa juste grandeur, il insista une fois de plus sur le fait que les corps masculin et féminin portent en eux des polarités qui se complètent.(…)
Observez ceci, mes amis : plus l’Homme est coupé de son propre temple, plus il ressent le besoin de construire de somptueux temples en pierre… Et il continuera de construire des temples, de plus en plus grands, de plus en plus fastueux, de plus en plus sacrés, jusqu’à ce qu’il reconnaisse qu’il est lui-même le plus beau et le plus noble de tous les temples sacrés.
Elle ne se dévouait pas avec l’âme d’une servante, mais bien avec la noblesse d’une prêtresse.
La journée, elle suivait son bien-aimé, elle marchait à ses côtés avec les autres et se montrait toujours aussi discrète. Elle avait trouvé sa place à l’arrière, humble et effacée. Quand trop de lumière vous éblouit de l’intérieur, il est agréable de chercher un peu d’ombre et de savourer la fraîcheur des banalités de la vie. Ce fut dans l’accomplissement des simples petits gestes du quotidien qu’elle apprit à exprimer toute la sollicitude, l’amour et la tendresse qui lui gonflaient le coeur. À sa manière, la Migdalah s’était silencieusement mise au service des autres. Elle veillait avec tendresse sur chacun, sortait ses potions et onguents pour soigner les blessures et savait rassurer d’un geste de la main ou d’un regard aimant. Mais elle ne faisait jamais rien comme tout le monde, elle ne se dévouait pas avec l’âme d’une servante, mais bien avec la noblesse d’une prêtresse.
C’est avec grand plaisir que j’ai retrouvé le style puissant d’Ava Torrent dans « La Migdalah », suite de « La Shekinah » et deuxième volet de la trilogie des 3 Marie. Ce livre est un véritable hymne à la femme, à la féminité et à la vie. J’y ai retrouvé la même force évocatrice des mots qui, au détour d’une phrase, réveille la réminiscence d’une connaissance oubliée, enfouie dans nos cellules ou qui nous relie un peu plus à « la magnifique » qui sommeille en nous.
Comme pour le premier opus, le ton est donné dès la première page et on perçoit tout de suite que l’énergie sera très différente mais tout aussi puissante. Alors que la Shekinah nous touche au cœur et à l’âme avec l’archétype de la Mère Divine, fait de douceur et de détermination, la Migdalah parle à notre cœur et à nos « tripes » à travers l’énergie de la compagne, de la fiancée sacrée, faite de joie, de liberté et d’amour de la vie.